La Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, prononce un discours lors de sa prestation de serment pour un cinquième mandat au palais présidentiel de Dacca, le 11 janvier 2024 ( AFP / Munir UZ ZAMAN )
L'ex-Première ministre en exil du Bangladesh Sheikh Hasina, 78 ans, a été condamnée lundi à mort pour avoir ordonné la répression meurtrière des manifestations qui ont causé sa chute pendant l'été 2024, dénonçant aussitôt un verdict "politiquement motivé".
Au terme de cinq mois de procès, un tribunal de la capitale Dacca a estimé que la "bégum de fer" était coupable de crimes contre l'humanité, notamment pour avoir incité et ordonné des meurtres.
"Tous les éléments (...) constitutifs du crime contre l'humanité sont réunis", a déclaré le juge Golam Mortuza Mozumder en rendant son verdict, "nous avons décidé de lui infliger une seule peine, la peine de mort".
Depuis son exil en Inde, Mme Hasina, qui a toujours nié les accusations portées contre elles, a aussitôt dénoncé un jugement "politiquement motivé", ordonné par "un tribunal illégal, nommé et présidé par un gouvernement non élu et sans mandat démocratique".
"Ce verdict de culpabilité était préétabli", a-t-elle ajouté dans un communiqué.
En juillet et août 2024, les manifestations antigouvernementales qui l'ont contrainte à quitter le pays après quinze ans de règne ont fait au moins 1.400 morts, selon l'ONU, pour la plupart des civils.
Dans un pays sous fortes tensions politiques déjà tourné vers les élections législatives prévues dans trois mois, la décision du tribunal, protégé par d'imposants effectifs de policiers, était très attendue.
- Appel -
Le chef du gouvernement provisoire, le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus, a salué un "verdict historique" et mis en garde contre tout "acte d'indiscipline" ou "action (...) qui tomberait sous le coup de la loi".
Dans les rues de la capitale, la décision a été saluée par des goupes de manifestants agitant le drapeau national.
L'avocat commis d'office de l'ex-Première ministre, Md Amir Hossain, a pour sa part regretté que sa cliente "ne puisse faire appel sauf à ce qu'elle se rende devant le tribunal ou soit arrêtée".
Au terme des débats, le représentant de l'accusation, Tajul Islam, avait requis le mois dernier la condamnation de Sheikh Hasina à la peine capitale. "Pour 1.400 meurtres, elle la mérite 1.400 fois", avait-il déclaré, comparant l'accusée à une "criminelle endurcie".
Dans sa déclaration lundi, Sheikh Hasina a rejeté les éléments retenus contre elle par l'accusation, notamment des enregistrements suggérant qu'elle avait autorisé le recours aux "armes létales" contre la foule.
Ces enregistrements sont "fragmentaires et ont été sortis de leur contexte", a argué l'ex-cheffe du gouvernement. "Les dirigeants du Bangladesh ont agi de bonne foi et avec le souci de minimiser les pertes en vies humaines".
Dacca a profité du jugement pour rééditer lundi sa demande d'extradition de l'ex-dirigeante. New Delhi a "pris acte du verdict", sans autre commentaire.
- Critiques politiques -
Dans sa déclaration, Mme Hasina a une nouvelle fois pris à partie lundi le gouvernement provisoire, au pouvoir jusqu'aux élections prévues en février prochain.
Ella a notamment critiqué sa décision d'interdire à son parti d'y participer. "Leur but consiste à faire de la Ligue Awami des boucs émissaires pour détourner l'attention du monde de (leurs) échecs", a-t-elle lancé.
Dans l'opposition sous le règne de Mme Hasina, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) est considéré comme le grand favori du prochain scrutin.
Après ce verdict, "la perspective de voir Sheikh Hasina organiser un retour au Bangladesh apparaît extrêmement mince", a commenté Thomas Kean, analyste à l'ONG International Crisis Group (ICG).
Sheikh Hasina s'adresse à des journalistes devant une station de métro vandalisée, dans la banlieue de Dacca, le 25 juillet 2024 ( Bangladesh Prime Minister's Office / - )
Le tribunal a également condamné à mort lundi l'ancien ministre de l'Intérieur, Asaduzzaman Khan Kamal, lui aussi en fuite. L'ex-chef de la police, Chowdhury Abdullah Al Mamun, en détention et qui a plaidé coupable, s'est vu lui infliger une peine de cinq ans d'emprisonnement.
Le parcours judiciaire de Sheikh Hasina ne se limite pas à ce procès. Elle fait également l'objet de multiples plaintes pour les meurtres, enlèvements et séquestrations dont l'ont accusé, tout au long de ses mandats, ses adversaires politiques et les ONG.
Mme Hasina a une nouvelle fois balayé ces accusations lundi. "Je suis très fière du bilan de mon gouvernement en matière de respect des droits humains et de développement", a-t-elle insisté.

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